mercredi 14 octobre 2009

MEDIATION N'EST PAS CONTRAINTE

"Que le prince songe uniquement à conserver sa vie et son état, s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde". Cette maxime empruntée à Machiavel prend tout son relief à propos des singuliers comportement et positionnement d'une France omniprésente dans la résolution de la crise malgache actuelle. Hier, elle se cachait derrière la Commission de l'Océan Indien pour faire passer messages et propositions trop intéressés, aujourd'hui toujours pour ses propres intérèts stratégiques elle met bas son masque tout en utilisant les canaux européen, africain, francophone et onusien afin de passer de la diplomatie à la contrainte pure et simple.


TENTATIONS COUPABLES ET RETOUR DE MANIVELLE


Car, à n'en pas douter, la diplomatie française a mis en branle son rouleau compresseur pour imposer à la communauté internationale et à Madagascar, pays considéré abusivement comme entrant dans sa "zone d'influence", "sa" solution à la plus grave crise institutionnelle et politique que ce pays presque parvenu à la condition de "pays émergent" ait connu depuis plus de vingt ans. Mais ici comme en toutes choses, cette France-là, qui s'est récemment affranchie de ses propres traditions et valeurs dans lesquelles on la croyait ancrée sur le plan international et vis à vis de ses anciennes colonies, ferait bien de méditer cette autre formule d'André Siegfried: "Les plus malins finissent par se prendre à leurs propres pièges".

On le voit bien, le retour de manivelle ne s'est pas fait attendre, et il pourrait y avoir plus grave encore dans les tout prochains jours puisque c'est la sensibilité populaire, voire la fierté nationale, qui sont atteintes, sans parler de la violation des principes élémentaires de diplomatie. Quant à la communauté internationale, dont les composantes ne sont pas à mettre au mème niveau de compromission française, elle ferait bien de se ressaisir autour des principes universels inclus dans la Charte des Nations Unies et autour de ceux prònés dans tous les instruments juridiques et politiques adoptés par les membres de l'Union Africaine et de ses organisations régionales.

"Tant que subsiste une erreur, un compte n'est pas définitif". C'est clair, la communauté internationale a commis une erreur fondamentale à la Réunion des 6 et 7 octobre 2009 à Antananarivo: ce qui ne devait ètre qu'une réunion d'évaluation, a fini par enfanter d'un mauvais projet de compromis au surplus présenté comme le schéma d'un prétendu accord par ailleurs prématurément annoncé. Celà fait beaucoup de fautes. On comprend et on mesure aisément, dans ces conditions, l'ampleur des dégàts et dommages provoqués par tant de précipitation et de légèreté. D'abord au plan des principes, toujours eux, ensuite et surtout s'agissant des préjudices causés à la nation malgache.

La négociation internationale s'oppose à l'appréciation unilatérale des situations, au fait accompli, à l'acte de force et à l'agression, toutes pratiques menées avec tant de constance par les tenants de la "Haute Autorité de Transition" et qui sont tolérées avant d'ètre blanchies par une communauté internationale tout d'un coup frappée d'hémianopsie. Et il est non moins clair que tout négociateur ou médiateur se doivent de rechercher des convergences d'intérèt pour aller vers des compromis et à la conciliation, avec la capacité de les ajuster et de les stabiliser au moyen d'un processus d'accord des volontés. Ce qui, récemment à Antananarivo, en ces funestes journées et soirées des 6 et 7 octobre 2009, n'a pas été le cas, loin de là, puisque du còté de M. Rajoelina et de certains membres du Groupe International de Contact on a voulu au contraire utiliser le forceps pour forcer une naissance non désirée ni désirable, celle d'un enfant mal conçu.

Or, les diplomates chevronnés que sont les initiateurs de la Réunion d'Antananarivo n'auraient-ils pas du faire naìtre et maintenir à tous les stades de la négociation la confiance, c'est à dire en particulier l'adoption par chacun d'eux, spécialement par chaque négociateur ou médiateur, des attitudes de nature à rassurer et à faire naìtre la conviction chez l'autre, de ses propres bonnes dispositions ?


POUR UNE VERITABLE MEDIATION


La réaction immédiate de la mouvance Ravalomanana ne s'est pas faite attendre. Elle est logique, saine et, contrairement aux cris d'orfraie de certains membres de cette mème communauté internationale, leur ouvre la voie pour leur propre rachat (voir l'article de Marivolanitra: "Remettre les pendules à l'heure avec un Maputo 3" dans "Madagascar Tribune" du 12 octobre 2009). Mais, au-delà de cette mouvance c'est le peuple malgache lui-mème qui, mettant en cause la bonne foi de ces "médiateurs", s'indigne à juste titre du peu de cas qu'on leur réserve. A cet égard, quel crédit désormais accorder à un médiateur qui en cours de négociation et alors mème qu'aucun accord n'a été scellé, se répand de média en média pour claironner haut et fort que telle mouvance ferait mieux de se rallier au schéma imposé sous peine d'ètre mis hors course ? Ici, le défaut de loyauté confine à la faute grave et l'irrespect ne l'est pas moins. L'éthique, plus que jamais, est nécessaire, elle s'oppose à des comportements aussi sommaires, lesquels sèment l'inquiétude, la méfiance et l'insécurité. La confiance étant primordiale en médiation, elle conditionne par ailleurs l'autorité et l'impartialité qui ont singulièrement manqué lors des réunions au "Carlton" à Antananarivo, et sans lesquelles valeurs aucun contentieux et différend ne sauraient ètre valablement solutionnés.

Le respect des engagements valablement souscrits et l'obligation d'endosser leurs conséquences doit constituer un autre souci constant de la part de tous. La médiation, à caractère éminemment politique, ne s'impose pas, et si c'est le cas contre toute attente, alors elle n'est que contrainte et c'est inacceptable. Il ne faut pas confondre la médiation avec l'arbitrage, lequel débouche en effet sur une véritable sentence dont le caractère juridiquement contraignant a été accepté d'avance. Aucune médiation ne saurait s'ouvrir, se poursuivre et réussir que du consentement de chacune des parties en litige. Il faut craindre que "nos" médiateurs et membres du GIC - en tous cas certains d'entre eux - aient malencontreusement confondu médiation et arbitrage pour se comporter comme ils l'on fait.

S'il est de fait que le risque d'échec d'une médiation est de nature à nuire au prestige des négociateurs et autres médiateurs internationaux, il ne serait pas digne d'eux d'en faire éventuellement payer le lourd prix à une population malgache au contraire en droit d'attendre d'eux une meilleure prestation. Car, il est clair que la situation actuelle aurait pu ètre évitée s'ils avaient été plus attentifs et attentionnés. Il leur sera aussi rappelé la règle selon laquelle accepter une médiation n'est pas nécessairement et obligatoirement accepter son résultat. Le caractère aléatoire d'une médiation en est la conséquence. Le médiateur propose, persuade, convainc mais ne contraint pas, à moins que les parties ne se soient, à l'avance, engagées à se plier à son règlement. Ce qui n'est pas le cas dans la médiation actuelle. Les accords et la Charte de Maputo n'engagent les parties que quant à la procédure mais pas sur le fond, domaine qui est réservé à leur propre détermination.

Dans une très large part et mesure, la sortie de crise et le succès de la médiation est donc conditionnée tant à la capacité des parties à s'entendre qu'aux qualités, à l'habileté, à l'impartialité et à l'autorité des négociateurs et médiateurs internationaux.


BEFANIRY

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